Paru en 1990, "Insanus, Ultio, Proditio, Misericordiaque" est en réalité un assemblage de démos anciennes de Christian Death, réalisé et produit par Valor. C’est aussi sur ce disque qu’on entendra pour la dernière fois la voix de Rozz Williams sur un disque signé par le second leader : Rozz apparaît ainsi sur le morceau "Infans vexatio" (dit "Lullabye" sur certains bootlegs), qui repose sur une orchestration très typique du style décadent et martial de Valor - il fait peu de doute que Rozz se soit beaucoup investi sur l’optique instrumentale, mais ne jurons de rien. La voix de Williams disparaîtra – évidemment ? - sur une nouvelle version intitulée "Vexatio", qui laissera l’honneur à Valor sur un 5" américain paru en 1993.
Le disque offre naturellement une production assez pauvre, mais celle-ci donne un charme non négligeable à l’ensemble. "Sevan - us rex", morceau premier, intronise le propre fils de Valor : Sevan Kand, dont l’organe enfantin jaillira ici comme sur d’autres singles de Christian Death. La troublante relation père / fils s’arrêtera à cet épisode, mais Valor n’en signe pas moins un disque assez inspiré, et troublant : les atours orchestraux du premier titre (le Commonwealth Chamber Orchestra et l’English Abbey Choir sont dirigés par Valor himself) laissent place à des ambiances glaciales dont le style flirte avec le Gothic et l’Industriel ("Malus amor", portrait de la déviation morale ; et l’expérimentation Dark ambiante et semi-symphonique de "Tragicus conatus"). Dès "Somnium", Christian Death revient à une optique plus rock où les voix de Valor, très présentes dans le mix, font preuve de lyrisme et recouvrent un vrai pouvoir évocateur. Le rock gothique qui suit, "Venenum", sonne un peu inachevé, mais le couplage des voix de Gitane DeMone et Valor, accompagné de guitares héroïques, fait qu’on oublie le stade de simple démo pour se laisser convaincre par une mélodie très typique du Rock Gothique des origines. Puis l’imprécartion de Valor se fera apocalyptique sur l’abyssal et minimal "Mors - Voluntaria".
"Insanus, Ultio, Proditio, Misericordiaque" fait donc figure de curiosité : sous forme d’album démo, il présente en à peine quarante minutes les facettes les plus diverses, mais aussi les plus sombres et les moins prévisibles de Christian Death apparues sous Valor. La musique qu’il renferme est très mécanique, et sa dureté ne se départit pas des charmes du style Gothique qui fit la réputation du groupe dans sa seconde période. S’il ne s’impose pas au même titre que le chef d’œuvre "Atrocities" (1986), il n’en reste pas moins un instant où Valor expose une ambition artistique concrète. Or, cette règle ne s’appliquera pas unanimement à l’ensemble de "sa" discographie. Une bonne raison de plus pour se pencher sur ce disque aux teintes blafardes mais tranchant, que le manque de moyens a finalement servi.